Levez les yeux… vers les verrières du Bon Marché

Art & Culture
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Publié le 9 octobre 2023


Inviter la lumière dans l’ensemble du bâtiment, c’est la fonction des verrières du Bon Marché Rive Gauche. Créées à la fin du XIXe siècle selon un procédé innovant, elles sont l’une des signatures esthétiques du Grand Magasin. Voici tout ce qu’il faut savoir sur ces majestueuses verrières, qui ont conservé leur lustre d’antan. 


Photos : © Le Bon Marché Rive Gauche

Deux créateurs iconiques



En 1870, Aristide Boucicaut, le fondateur du Bon Marché, a une raison de se réjouir : la foule ne désemplit pas. Stimulé par ce succès, il souhaite agrandir et moderniser son magasin. Son regard se tourne alors vers deux ingénieurs-constructeurs réputés à l’époque : Armand Moisant — à qui l’on doit la gare de Lyon et le Grand Palais à Paris — et plus tard Gustave Eiffel.

Deux talents hors normes, deux visions exigeantes de la construction, mais aussi deux concurrents.
Avec le premier, Le Bon Marché entame une collaboration exceptionnelle qui durera près d’un siècle, dont neuf années pour ce premier projet.

Son résultat ? La fabrication d’une ossature métallique pesant 8000 tonnes (dépassant celle de la tour Eiffel) pour bâtir le nouvel édifice.
En 1879, une autre (et remarquable) approche est retenue : celle de Gustave Eiffel. Il appose sa signature esthétique sur l'agrandissement de l’une des verrières — aujourd’hui située au-dessus de la Librairie. Il lie ainsi, pour la postérité, son illustre nom à celui du Bon Marché.

Une prouesse architecturale : union du métal et du verre

Armand Moisant et l’architecte Louis-Charles Boileau imaginent une solution inédite pour éviter les problèmes de condensation et d’isolation thermique posés par les verrières. Ils inventent ainsi le système de double verrière, qui se compose d’une verrière intérieure (longitudinale et décorative), suspendue à celle située à l'extérieur. En flânant dans le magasin, les yeux des promeneurs sont alors attirés par des panneaux en verre, face émergée d’un ensemble complexe appelé lanterne, dont certains sont enrichis de sublimes ornementations, datant de la période Art déco.

Un subtil jeu de lumière



À la fin du XIXe siècle, Paris connaît une mini révolution. Elle n’a pas lieu dans la rue, mais dans le décor feutré du Bon Marché.
Avec ses ingénieuses verrières, Armand Moisant relève un défi de taille : celui d’éclairer tout un magasin — à une période où l’éclairage au gaz était une solution dangereuse car source de fréquents incendies.

Les ingénieurs s’appuient sur les verrières pour imaginer tout autour des coursives et galeries, afin de conserver un puits de lumière éclairant le magasin de haut en bas.
Dans une douce atmosphère, on évolue dans les étages où chaque article présenté est visible et (brillamment) mis en valeur.

Bijoux patrimoniaux du 24 rue de Sèvres, les verrières continuent de filtrer l’éclat du jour.

En 2017, le Grand Magasin rénove en profondeur celles situées au 2ème étage, à l’Espace Mode et à La Librairie.
Il confie à des artisans d’art la délicate tâche de leur redonner un aspect spectaculaire. Une opération d’envergure qui, depuis, suscite chez les visiteurs le même sentiment qu’aux origines : l’admiration.

L'œil de La Gazette

Chaque mois de janvier, Le Bon Marché se transforme en terrain de jeu pour des artistes contemporains qui ont alors carte blanche. En 2018, avec son installation Sous le ciel, l'Argentin Leandro Erlich transforme la verrière centrale en un ciel bleu, traversé de nuages. Un trompe-l’œil qui revisite de manière poétique les verrières iconiques.



© Gabriel de la Chapelle