L'interview-café de Lilas, fondatrice de LIMAIA

L'Expo
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Publié le 19 mai 2025


L’interview-café est un rendez-vous mensuel de La Gazette du Bon Marché Rive Gauche. Et par « rendez-vous », on veut dire qu’il est à la fois digital et physique — un moment partagé en magasin, que l’on vous raconte ici. 


C’est sur les banquettes du Grace Café que nous rejoignons Lilas. Originaire de Madagascar, l’entrepreneure est à la tête d’une marque solidaire qui confectionne des sacs en raphia. Baptisé LIMAIA, son label porte en lui l’union de son prénom et de celui de sa fille, Maya. À l’occasion du lancement de l’exposition « Tout beau et tout bronzé » elle revient sur les débuts de sa marque, son arrivée en France, le savoir-faire malgache et le regard qu’elle porte sur son pays d’origine. Manahoana


©Le Bon Marché Rive Gauche

La Gazette : Vous êtes arrivée en France en 2018. Un an plus tard, LIMAIA naissait. Racontez-nous les débuts de votre marque. 


Lilas : Je suis née et j’ai grandi à Madagascar, au cœur d’un savoir-faire artisanal unique. À un moment, j’ai ressenti le besoin de changer de vie, de prendre un nouveau départ. En arrivant en France, il était essentiel pour moi de tisser un pont entre mon pays d’origine et mon pays d’accueil. Ayant grandi au milieu de l’artisanat, l’idée de créer des pièces en raphia est venue naturellement, comme une évidence. C’est de là qu’est née LIMAIA Paris : une marque qui relie mes racines malgaches à ma nouvelle vie en France.


— Un grand sourire aux lèvres, Lilas attrape le grand verre coloré qui se trouve devant elle. Un délicieux jus comme un soupçon d’été. 


La Gazette : Toutes vos créations sont fabriquées à Madagascar et vous employez près de… 250 personnes. Une véritable communauté de femmes qui œuvrent localement, à la confection des créations de votre marque. Pouvez-vous m’en parler ?  


Lilas : Au début, j’ai commencé avec une quinzaine de crocheteuses. Petit à petit, la demande a grandi, et j’ai pu ouvrir mon propre atelier. Aujourd’hui, près de 250 femmes réalisent nos pièces. Ensemble, nous formons une belle communauté, portée par la passion, le partage et la fierté de faire vivre un savoir-faire précieux.

« Ayant grandi au milieu de l’artisanat, l’idée de créer des pièces en raphia est venue naturellement. LIMAIA est née de cette évidence. »

 – Lilas, fondatrice de LIMAIA

La Gazette : Vous ne proposez pas la vente en ligne, mais travaillez principalement avec des revendeurs. Pourquoi ce choix ?


Lilas : Je ne propose pas encore de vente en ligne, car pour l’instant je pilote seule toute l’activité depuis Paris : création, logistique, relation client... À Madagascar, 250 femmes participent à la confection, mais ici, je n’ai pas encore l’équipe nécessaire pour gérer la vente en ligne, qui demande une organisation bien plus structurée. C’est une étape qui viendra, mais au bon moment.


Lilas nous confie maintenir un rythme particulièrement soutenu entre janvier et avril — une période clé, consacrée aux finitions et aux livraisons. Entre Paris et Madagascar, elle fait les allers-retours, dormant parfois à peine quatre heures par nuit pour tout coordonner.


La Gazette : Quels projets ou actions avez-vous mis en place pour soutenir les femmes que vous employez à Madagascar ?


Lilas : Cela me touche profondément de savoir que les femmes que j’emploie peuvent sortir de la précarité. C’est mon objectif avec LIMAIA Paris : leur offrir les clés pour s’épanouir, apprendre et reprendre le contrôle de leur vie. Avec l’association LIMAIA, nous soutenons leur autonomie, leur formation et leur offrons un travail stable et digne. Ce projet est pour moi une manière de contribuer au développement des femmes en situation difficile à Madagascar, sans qu’elles soient obligées de travailler pour moi par la suite. Madagascar est un pays riche en ressources, mais malheureusement fragile économiquement. En arrivant en France, mon désir était de soutenir les femmes de mon pays. LIMAIA, c’est un projet profondément humain et solidaire !

La Gazette : J’ai cru comprendre que vous connaissiez personnellement les 250 femmes qui travaillent dans votre atelier. C’est si rare que cela mérite d’être souligné ! Racontez-nous cette proximité. 


Lilas : Je me rends au minimum une fois par mois à Madagascar, alors évidemment je connais personnellement mes équipes ! Chaque sac porte le prénom de la femme qui l’a réalisé pour la première fois. Ça me permet de suivre leur travail, et de répartir les tâches en fonction des forces de chacune. Par exemple, une femme un peu plus âgée va plutôt crocheter un modèle ajouré, tandis qu’un sac plus dense, avec des points serrés, sera confié à une femme plus jeune. Inscrire leur prénom, c’est ma façon de les mettre en lumière, de leur dire merci, et de célébrer leur savoir-faire.

« Chez LIMAIA nous ne suivons pas vraiment les tendances, j’imagine des pièces que les femmes voudront encore porter dans dix ans — et grâce à mes crocheteuses et tisseuses, c’est une réalité désormais possible. »

 – Lilas, fondatrice de LIMAIA

La Gazette : Toutes vos pièces sont en raphia. Quel est votre rapport à ce matériau ? 


Lilas : Le raphia, c’est une fibre 100 % naturelle, écologique et durable, très présente à Madagascar. Là-bas, son travail fait partie de notre héritage : on le tisse, on le crochète, on le teint… C’est un savoir-faire ancestral, transmis de génération en génération. Pour moi, travailler cette matière, c’est une manière de transmettre et de valoriser un savoir-faire traditionnel, tout en proposant des pièces modernes et intemporelles. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si de nombreuses grandes Maisons françaises viennent produire leurs pièces en raphia à Madagascar : c’est pour la qualité et la finesse de ce travail fait main.


La Gazette : Ce minutieux savoir-faire malgache a été remarqué par Le Bon Marché, qui vous a invité à présenter vos créations à l’occasion de l’exposition « Tout beau et tout bronzé ». Vous y avez d’ailleurs un bel espace.  


Lilas : Quelle fierté, et quelle belle opportunité, de me retrouver parmi ces marques, au sein d’une adresse parisienne historique. C’est aussi une occasion précieuse de mettre en lumière Madagascar, nos créations, et surtout le talent de toutes ces femmes qui les réalisent avec passion. Chez LIMAIA, on ne suit pas vraiment les tendances : je crée des pièces qu’on a envie de garder longtemps, parce qu’elles sont intemporelles, durables, et surtout porteuses de sens. J’ai grandi entourée de personnes en situation de précarité, alors pouvoir aujourd’hui offrir du travail à ces femmes, et faire rayonner leur savoir-faire, c’est une vraie joie. Et voir que notre histoire et nos créations parlent aux clientes françaises, et qu’elles touchent aussi à l’international, c’est le plus beau des encouragements.


— Lilas conclut l’interview sur ces quelques mots qui résonnent comme un mantra.