« Au Bonheur des Dames » : l’interview croisée de Juliette Colin et Frédéric Bodenes

Événement
au bonheur des dames
Événement

Faire d'un Grand Magasin une scène de théâtre : voici le pari (un peu fou) que se sont lancés Frédéric Bodenes, Directeur Artistique et Image du Bon Marché Rive Gauche et Juliette Colin, metteuse en scène de la pièce, « Au Bonheur des Dames ».


Cette année, après la carte blanche à Philippe Katerine et le warm up du festival des Vieilles Charrues, Le Bon Marché poursuit son engagement artistique avec un concept inédit. À l’occasion de son 170ème anniversaire, notre magasin vous propose d’assister à une pièce de théâtre immersif, librement adaptée du célèbre roman d’Émile Zola, Au Bonheur des Dames.


© Le Bon Marché Rive Gauche


Andrée Putman, escalators croisés, 1989

© Adagp, Paris 2023

Chaque vendredi et samedi, jusqu'à la fin du mois de décembre, Le Bon Marché se transforme et vous emmène à la rencontre du Paris romantique du 19ème siècle. En compagnie des personnages emblématiques du roman, déambulez librement au sein du magasin et résolvez une mystérieuse énigme…


Après la fermeture des portes, la lumière se tamise, les visages se confondent et les souvenirs ressurgissent. L’expérience peut alors débuter : le réel se mêle à la fiction, le passé au présent, les spectateurs aux acteurs dans une effervescence vivante.


Bousculant tous les codes du théâtre traditionnel, « Au Bonheur des Dames » vous convie à une soirée hors du temps, dans un cadre exceptionnel. Tendez l’oreille, ouvrez l’œil, au détour de chaque recoin se cache peut-être le secret le mieux gardé de la rive gauche…


En attendant que le rideau se lève, découvrez notre interview croisée de Juliette Colin et Frédéric Bodenes. Lumière !


→ Réserver

« Au Bonheur des Dames » est une pièce de théâtre immersif. Question naïve (mais qui a tout son sens ici) : qu’est-ce que du théâtre immersif ?


Juliette Colin : Pour moi, le théâtre immersif c’est une forme de théâtre qui justement, ne se joue pas dans un théâtre. Il s’exprime dans des endroits exceptionnels, incongrus, où la scène n’est plus délimitée par une estrade et où le spectateur évolue librement dans l’espace.

 

Dans le théâtre immersif, c’est le spectateur qui est au centre de la narration et de la mise en scène. C’est d’ailleurs un postulat un peu éloigné de la tradition du théâtre français, où c’est la découverte du texte qui prédomine sur le reste.


Frédéric Bodenes : Avec le théâtre immersif, le spectateur peut aborder l’histoire avec une liberté totale, en décidant quel sens lui donner. Celui qui assiste à la représentation devient maître du jeu. 


© Le Bon Marché Rive Gauche

Juliette, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?


J’ai un master en Art et Design à la Central Saint Martins, à Londres. J’ai ensuite eu quelques expériences dans le domaine de l’audiovisuel. J’ai fini par monter ma propre compagnie, Crumble Production, après avoir vu plusieurs pièces de théâtre immersif. Cela a été une révélation. J’ai tout de suite su que je voulais explorer cette voie, encore peu connue en France.


Juliette Colin

© Fanny de Gouville

« Pour moi, le théâtre immersif c’est une forme de théâtre qui justement, ne se joue pas dans un théâtre. »


Juliette Colin

Frédéric, Le Bon Marché a déjà accueilli des artistes lors d’expositions d’art contemporain, des concerts, des performances… Mais c’est la première fois qu’une pièce de théâtre y sera présentée. En quoi Le Bon Marché est-il un écrin privilégié pour l’expression artistique ? 


L’art fait partie de notre ADN, depuis la fondation du Bon Marché par les époux Boucicaut. C’est une évidence que le culturel et l’art prennent place dans notre Grand Magasin. Nous souhaitons qu’il devienne le prétexte « d’une agréable balade ». Un espace d’inspiration et d’échange, comme il l’a toujours été.


Plus précisément, dans le cadre des nouveaux rendez-vous événementiels « Les ON et les OFF du Bon Marché », nous avons souhaité ajouter du théâtre à la programmation. En plus des expositions, des concerts ou des dédicaces in situ, c'est un art qui propose une forme d’expression unique et tellement riche.


© Le Bon Marché Rive Gauche


Andrée Putman, escalators croisés, 1989

© Adagp, Paris 2023

Pourquoi une pièce de théâtre immersif, plutôt qu’une représentation plus classique ?


Frédéric : Le point de départ du projet fut le moment où j’ai assisté à la pièce de théâtre immersif Sleep No More, à New-York, il y a dix ans. J’ai tellement aimé, que j’y suis retourné trois fois, complètement conquis par le format. Par la suite, j’ai gardé dans un coin de ma tête l’idée de proposer un jour ce concept original au Bon Marché, mais il fallait selon moi attendre le bon moment.


L’anniversaire des 170 ans du magasin nous a semblé l’occasion parfaite pour parler de notre histoire en mettant en scène Le Bonheur des Dames. Ensuite, le défi a été de trouver une compagnie à la hauteur de nos ambitions. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Juliette, lorsque j’ai assisté à sa pièce, Les Dernières fiançailles.


© Le Bon Marché Rive Gauche

Frédéric, connaissiez-vous le travail de Juliette et pourquoi avoir fait appel à elle ?


Juliette a été un choix du cœur. J’ai assisté à de nombreuses pièces de théâtre immersif, en France, mais aussi à l’étranger, notamment à Londres, avec parfois une légère déception. Quand j’ai vu Les Dernières Fiançailles, j’ai été touché par la simplicité et l'efficacité de ce spectacle. Ce fut un moment d’amusement, de rire et de surprise. Ce sont toutes ces émotions que je désirais ramener entre nos murs. 


© Le Bon Marché Rive Gauche

Juliette, comment avez-vous pensé la mise en scène ? Dans quelle mesure le décor du Bon Marché vous a-t-il inspiré ?

 

Dans l’expérience de théâtre immersif, le choix du lieu détient une importance capitale. L’architecture incroyable du Bon Marché et son histoire en font l’écrin rêvé à la création d’une pièce de ce genre.


Performer dans un magasin n’est cependant pas sans contrainte : nous avons dû imaginer des décors mouvants qui se montent et se démontent en un temps record, des scènes sélectives qui se définissent par la lumière… Tout l’enjeu a été de trouver comment délimiter un espace pour qu’il devienne une scène de théâtre dans un magasin.


© Le Bon Marché Rive Gauche

Dans le théâtre immersif, il faut savoir lâcher prise. Il ne faut plus se contrôler : Vivre les choses, ressentir intensément.

Frédéric Bodenes

En quoi le roman Au Bonheur des Dames d'Émile Zola vous a-t-il inspiré pour imaginer l’histoire de la pièce ?


Juliette : La pièce de théâtre ne couvre évidemment pas l’ensemble du roman. Nous avons fait le choix, avec le scénariste, Toni Avenard, de nous attarder sur un événement qui se déroule dans le premier chapitre. Zola évoque la mort de Caroline, mystérieusement tombée dans les fondations du Grand Magasin, qu’elle dirige avec son mari Octave…


Frédéric : La pièce invite le spectateur à redécouvrir le texte, selon une autre perspective. Et si Zola nous avait menti et que la véritable histoire se déroulait au Bon Marché ? 


Comment se déroule la pièce « Au Bonheur des Dames » au Bon Marché ?

 

Frédéric : Chaque représentation et chaque perception sont différentes. Nous désirons avant tout étonner le spectateur. Le meilleur conseil que nous puissions lui donner pour aborder la pièce est justement de ne s’attendre à rien, de se laisser porter par l’histoire, les décors, les personnages. 


© Le Bon Marché Rive Gauche

Sans nous révéler les secrets de la pièce, pouvez-vous nous dévoiler un détail intriguant de la représentation ?

 

Juliette : La surprise anime le spectacle, rythmé par des rebondissements déroutants, des détails cachés. Le spectateur évolue à son rythme d’une scène à l’autre, à la recherche d’indices. Il y aura des lieux secrets à découvrir, comme la chambre de Denise ou un Cabinet de curiosités. Mais nous n’en dirons pas plus… : « Au Bonheur des Dames » est une pièce au pouvoir d’étonnement infini, que l’on peut voir et revoir, sans jamais en percer tous les mystères. 


© Le Bon Marché Rive Gauche

Le Bon Marché fête ses 170 ans en septembre, que pouvez-vous lui souhaiter ?


Frédéric : De continuer à étonner, et d’être là où on ne l’attend pas.


Juliette : Je lui souhaite d’avoir toujours une équipe souhaitant initier des projets, créatifs, culturels et artistiques. C’est pour moi l’âme du magasin, ce qui fait sa force et sa différence, inspirant les rencontres et les histoires les plus extraordinaires depuis sa création. 


© Le Bon Marché Rive Gauche

« La pièce « Au Bonheur des Dames » renforce notre démarche créative et appuie notre volonté de devenir une vraie scène parisienne »

Frédéric Bodenes